Moi, grande guru du crochet

Je vais vous avouer quelque chose.  C’est difficile à écrire, mais par souci d’honnêteté, je pense qu’il est important pour moi de ne pas le cacher plus longtemps.

Quand j’ai commencé à faire du crochet, je n’ai pas été l’excellente crocheteuse que vous connaissez aujourd’hui dès mes premières mailles.

Practice makes perfect
Practice makes perfect

Je sais.  C’est difficile de croire que je suis comme tout l’monde.  Que moi aussi j’ai perdu des mailles en chemin, et que j’ai coupé mes fils trop courts à la fin d’un ouvrage pour y faire ensuite des noeuds en guise de finition.  J’ai fait des chandails gigantesques et des chapeaux pour barbies naines faute d’avoir validé ma tension contre celle de la designer.  Mes mailles étaient trop grosses, pas assez hautes, inégales.  Désespérantes.

Mais je trippais.  Contrairement à mes expériences ratées au tricot, je m’amusais à pratiquer, défaire, recommencer.  Chercher de nouveaux modèles.  À l’époque, pas de Ravelry non plus.  Les ressources étaient rares et plus ou moins intéressantes une fois trouvées – je suis tombée sur oh! combien de sites angelfire incluant musique hallucinante et gifs de chatons avec ailes d’ange sur fond jaune fluo et écriture rose.

J’ai continué.  J’ai fait et refait des carrés de mailles serrées, brides, demi-brides.  J’ai essayé de faire des côtes.  Raté mon coup royalement.  Abandonné.  Repris mon ouvrage et recommencé.  Et aujourd’hui tous ces essais erreurs font que je suis bonne.  Assez bonne pour avoir montré à plusieurs groupes déjà comment pratiquer ma passion.  Mes élèves ont  – dans la grande majorité des cas – terminé un ou plusieurs projets à l’intérieur de leur première session de 6 cours, photos à l’appui.  Et celles qui n’y sont pas parvenu ont un seul point en commun.  Elles ne voulaient pas apprendre la base.  Elles voulaient réaliser un projet dès le premier cours.

Je pourrais donner le cours de cette façon..  Je pourrais arriver au premier cours et faire faire un nombre x de mailles sur un nombre y de rangs en expliquant les grandes lignes de ce qu’il faut faire sans parler du pourquoi ça marche comme ça.  Sans expliquer la lecture du patron, le pourquoi on travaille en tours de la façon qu’on le fait.  À la fin des cours, toutes auraient un projet complété – et aucune ne pourrait le reproduire seule.

En fait, dans une certaine mesure, c’est un peu le cours que je donne aux enfants.  Je leur donne une maille.  Un contexte.  Parce que pour maintenir leur intérêt, il faut que les enfants voient rapidement le résultat.  Mais dans un groupe d’adultes, si je veux que par la suite les gens puissent continuer par eux-mêmes et avoir du succès, pas penser que le crochet est inaccessible sans prof, ou que je suis un piètre prof si elles n’y arrivent pas, ou pire, qu’elles sont elles-mêmes nulles si elles ne comprennent pas, je dois montrer la base pour que la suite soit évidente et logique.  Armée de ces notions, mes élèves peuvent ensuite attaquer n’importe quoi.

C’est mon engagement.

Celui des élèves c’est d’écouter.  D’essayer.  De pratiquer.  De continuer.  Je ne peux pas le faire seule, ni à leur place.  Après les 12 heures de cours, plusieurs notions seront adoptées; mais sans pratique – pratique fréquente et acceptation des erreurs comme inévitables et comme nous apprenant plus que le succès immédiat – la maîtrise ne suivra pas.  Et sans maîtrise, impossible de demeurer passionnée.

Et ça c’est juste trop dommage.

Et je ne veux faire de peine à personne en écrivant ça.  Je veux simplement que tous et toutes comprennent que les erreurs font partie de l’apprentissage.  On ne dirait pas à un enfant d’abandonner l’école parce qu’apprendre à écrire est difficile.  Bon, le crochet c’est un peu moins vital (un tout petit peu), mais la leçon est la même.  On devient bon – voire excellent – en n’abandonnant pas.